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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

lorsqu’elle lui donne sujet de croire que le boire lui sera profitable, qui toutefois lui doit être nuisible ?

Mais M. Arnauld demande ce que cette idée du froid me représente, laquelle j’ai dit être matériellement fausse : « car, dit-il, si elle représente une privation, donc elle est vraie ; si un être positif, donc elle n’est pas l’idée du froid ; » ce que je lui accorde ; mais je ne l’appelle fausse que parcequ’étant obscure et confuse, je ne puis discerner si elle me représente quelque chose qui, hors de mon sentiment, soit positive ou non : c’est pourquoi j’ai occasion de juger que c’est quelque chose de positif, quoique peut-être ce ne soit qu’une simple privation. Et partant, il ne faut pas demander « quelle est la cause de cet être positif objectif qui, selon mon opinion, fait que cette idée est matériellement fausse ; » d’autant que je ne dis pas qu’elle soit faite matériellement fausse par quelque être positif, mais par la seule obscurité, laquelle néanmoins a pour sujet et fondement un être positif, à savoir le sentiment même. Et de vrai cet être positif est en moi en tant que je suis une chose vraie ; mais l’obscurité laquelle seule me donne occasion de juger que l’idée de ce sentiment représente quelque objet hors de moi qu’on appelle froid, n’a point de cause réelle, mais elle vient seulement de ce que ma nature n’est pas entièrement parfaite. Et cela ne renverse en façon quelconque mes fon-