Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/120

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représenter sur un théâtre, ou par d’autres pareils sujets, qui, ne pouvant nous nuire en aucune façon, semblent chatouiller notre âme en la touchant. Et la cause qui fait que la douleur produit ordinairement la tristesse est que le sentiment qu’on nomme douleur vient toujours de quelque action si violente qu’elle offense les nerfs ; en sorte qu’étant (400) institué de la nature pour signifier à l’âme le dommage que reçoit le corps par cette action, et sa faiblesse en ce qu’il ne lui a pu résister, il lui représente l’un et l’autre comme des maux qui lui sont toujours désagréables, excepté lorsqu’ils causent quelques biens qu’elle estime plus qu’eux.

Art. 95. Comment elles peuvent aussi être excitées par des biens et des maux que l’âme ne remarque point, encore qu’ils lui appartiennent ; comme sont le plaisir qu’on prend à se hasarder ou à se souvenir du mal passé.

Ainsi le plaisir que prennent souvent les jeunes gens à entreprendre des choses difficiles et à s’exposer à de grands périls, encore même qu’ils n’en espèrent aucun profit ni aucune gloire, vient en eux de ce que la pensée qu’ils ont que ce qu’ils entreprennent est difficile fait une impression dans leur cerveau, qui étant jointe avec celle qu’ils pourraient former s’ils pensaient que c’est un bien de se sentir assez courageux, assez heureux,