Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/173

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ils ne donnent tant d’avantage à leurs ennemis que de reconnaître qu’ils en sont offensés.

Art. 157. De l’orgueil.

Tous ceux qui conçoivent bonne opinion d’eux-mêmes pour quelque autre cause, telle qu’elle puisse être, n’ont pas une vraie générosité, mais seulement un orgueil qui est toujours fort vicieux, encore qu’il le soit d’autant plus que la cause pour laquelle on s’estime est plus injuste. Et la plus injuste de toutes est lorsqu’on est orgueilleux sans aucun sujet ; c’est-à-dire sans qu’on pense pour cela qu’il y ait en soi aucun mérite pour lequel on doive être prisé, mais seulement parce qu’on ne fait point d’état du mérite, et que, s’imaginant que la gloire n’est autre chose qu’une (449) usurpation, l’on croit que ceux qui s’en attribuent le plus en ont le plus. Ce vice est si déraisonnable et si absurde, que j’aurais de la peine à croire qu’il y eût des hommes qui s’y laissassent aller, si jamais personne n’était loué injustement ; mais la flatterie est si commune partout qu’il n’y a point d’homme si défectueux qu’il ne se voie souvent estimer pour des choses qui ne méritent aucune louange, ou même qui méritent du blâme ; ce qui donne occasion aux plus ignorants et aux plus stupides de tomber en cette espèce d’orgueil.

Art. 158.