Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/211

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devons souvent suivre ses opinions plutôt que les nôtres, touchant l’extérieur de nos actions.

Art. 207. De l’impudence.

L’impudence ou l’effronterie, qui est un mépris de honte, et souvent aussi de gloire, n’est pas une passion, parce qu’il n’y a en nous aucun mouvement particulier des esprits qui l’excite ; mais c’est un vice opposé à la honte, et aussi à la gloire, en tant que l’une et l’autre sont bonnes, ainsi que l’ingratitude est opposée à la reconnaissance, et la cruauté à la pitié. Et la principale cause de l’effronterie vient de ce qu’on a reçu plusieurs fois de grands affronts. Car il n’y a personne qui ne s’imagine, étant jeune, que la louange est un bien et l’infamie un mal beaucoup plus importants à la vie qu’on ne trouve par expérience qu’ils sont, lorsque, ayant reçu quelques affronts signalés, on se voit entièrement privé (484) d’honneur et méprisé par un chacun. C’est pourquoi ceux-là deviennent effrontés qui, ne mesurant le bien et le mal que par les commodités du corps, voient qu’ils en jouissent après ces affronts tout aussi bien qu’auparavant, ou même quelquefois beaucoup mieux, à cause qu’ils sont déchargés de plusieurs contraintes auxquelles l’honneur les obligeait, et que, si la perte des