Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/222

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les produisent, je ne pense pas que vous deviez trouver étrange si je dis que la vue peut faire le semblable. Or il n’y a personne qui ne sache que les idées du chatouillement et de la douleur qui se formant en notre pensée à l’occasion des corps de dehors qui nous touchent, n’ont aucune ressemblance avec eux. On passe doucement une plume sur les lèvres d’un enfant qui s’endort, et il sent qu’on le chatouille : pensez-vous que l’idée du chatouillement qu’il conçoit ressemble à quelque chose de ce qui est en cette plume ? Un gendarme revient d’une mêlée ; pendant la chaleur du combat, il auroit pu être blessé sans s’en apercevoir, mais maintenant qu’il commence à se refroidir il sent de la douleur, il croit être blessé ; on appelle un chirurgien, on ôte ses armes, on le visite, et on trouve enfin que ce qu’il sentoit n’étoit autre chose qu’une boucle ou une courroie qui, s’étant engagée sous ses armes, le pressoit et l’incommodoit. Si son attouchement, en lui faisant sentir cette courroie, en eût imprimé l’image en sa pensée, il n’auroit pas eu besoin d’un chirurgien pour l’avertir de ce qu’il sentoit.

Or je ne vois point de raison qui nous oblige à croire que ce qui est dans les objets d’où nous vient le sentiment de la lumière, soit plus semblable à ce sentiment que les actions d’une plume et d’une courroie le sont au chatouillement et à