Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/217

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dre la science qu’on a, que de l’augmenter. C’est pourquoi nous rejetons par cette règle toutes ces connoissances qui ne sont que probables ; et nous pensons qu’on ne peut se fier qu’à celles qui sont parfaitement vérifiées, et sur lesquelles on ne peut élever aucun doute. Et quoique les savants se per­suadent peut-être que les connoissances de cette espèce sont en bien petit nombre, parceque sans doute, par un vice naturel à l’esprit humain, ils ont négligé de porter leur attention sur ces objets, comme trop faciles et à la portée de tous, je ne crains pas cependant de leur déclarer qu’elles sont plus nombreuses qu’ils ne pensent, et qu’elles suf­fisent pour démontrer avec évidence un nombre infini de propositions, sur lesquelles ils n’ont pu émettre jusqu’ici que des opinions probables, opi­nions que bientôt, pensant qu’il étoit indigne d’un savant d’avouer qu’il ignore quelque chose, ils se sont habitués à parer de fausses raisons, de telle sorte qu’ils ont fini par se les persuader à eux-mêmes, et les ont débitées comme choses avérées.

Mais si nous observons rigoureusement notre règle, il restera peu de choses à l’étude desquelles nous puissions nous livrer. Il existe à peine dans les sciences une seule question sur laquelle des hommes d’esprit n’aient pas été d’avis différents. Or, toutes les fois que deux hommes portent sur la même chose un jugement contraire, il est cer-