Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/226

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que nous savons que le dernier anneau d’une longue chaîne tient au premier, encore que nous ne puissions embrasser d’un coup d’œil les anneaux intermédiaires, pourvu qu’après les avoir parcou­rus successivement nous nous rappelions que, depuis le premier jusqu’au dernier, tous se tien­nent entre eux. Aussi distinguons-nous l’intuition de la déduction, en ce que dans l’une on conçoit une certaine marche ou succession, tandis qu’il n’en est pas ainsi dans l’autre, et en outre que la déduction n’a pas besoin d’une évidence présente comme l’intuition, mais qu’elle emprunte en quel­que sorte toute sa certitude de la mémoire ; d’où il suit que l’on peut dire que les premières proposi­tions, dérivées immédiatement des principes, peu­vent être, suivant la manière de les considérer, connues tantôt par intuition, tantôt par déduction ; tandis que les principes eux-mêmes ne sont connus que par intuition, et les conséquences éloignées que par déduction.

Ce sont là les deux voies les plus sûres pour arriver à la science ; l’esprit ne doit pas en ad­mettre davantage ; il doit rejeter toutes les autres comme suspectes et sujettes à l’erreur ; ce qui n’em­pêche pas que les vérités de la révélation ne soient les plus certaines de toutes nos connoissances, car la foi qui les fonde est, comme dans tout ce qui est obscur, un acte non de l’esprit, mais de la