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de l’esprit.

riens à quelques unes de leurs inventions ; car, malgré leur simplicité, on conçoit qu’une multi­tude ignorante et facile à étonner les ait louées comme des prodiges. Mais je me persuade que certains germes primitifs des vérités que la nature a déposées dans l’intelligence humaine, et que nous étouffons en nous à force de lire et d’entendre tant d’erreurs diverses, avoient, dans cette simple et naïve antiquité, tant de vigueur et de force, que les hommes éclairés de cette lumière de raison qui leur faisoit préférer la vertu aux plaisirs, l’honnête à l’utile, encore qu’ils ne sussent pas la raison de cette préférence, s’étoient fait des idées vraies et de la philosophie et des mathématiques, quoiqu’ils ne pussent pas encore pousser ces sciences jus­qu’à la perfection. Or, je crois rencontrer quel­ques traces de ces mathématiques véritables dans Pappus et Diophantes, qui, sans être de la plus haute antiquité, vivoient cependant bien des siècles avant nous. Mais je croirois volontiers que les écri­vains eux-mêmes en ont, par une ruse coupable, supprimé la connoissance ; semblables à quelques artisans qui cachent leur secret, ils ont craint peut-être que la facilité et la simplicité de leur méthode, en les popularisant, n’en diminuât l’importance, et ils ont mieux aimé se faire admirer en nous laissant, comme produit de leur art, quelques vé­rités stériles subtilement déduites, que de nous