Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/237

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tourner ses efforts pour arriver à quelques véri­tés. Pour la suivre, il faut ramener graduellement les propositions embarrassées et obscures à de plus simples, et ensuite partir de l’intuition de ces der­nières pour arriver, par les mêmes degrés, à la con­naissance des autres.

C’est en ce seul point que consiste la perfection de la méthode, et cette règle doit être gardée par celui qui veut entrer dans la science, aussi fidèle­ment que le fil de Thésée par celui qui voudroit pénétrer dans le labyrinthe. Mais beaucoup de gens ou ne réfléchissent pas à ce qu’elle enseigne, ou l’ignorent complètement, ou présument qu’ils n’en ont pas besoin ; et souvent ils examinent les questions les plus difficiles avec si peu d’ordre, qu’ils ressemblent à celui qui d’un saut voudroit atteindre le faite d’un édifice élevé, soit en négli­geant les degrés qui y conduisent, soit en ne s’apercevant pas qu’ils existent. Ainsi font tous les astrologues, qui, sans connoître la nature des astres, sans même en avoir soigneusement observé les mouvements, espèrent pouvoir en déterminer les effets. Ainsi font beaucoup de gens qui étudient la mécanique sans savoir la physique, et fabriquent au hasard de nouveaux moteurs ; et la plupart des philosophes, qui, négligeant l’expérience, croient que la vérité sortira de leur cerveau comme Mi­nerve du front de Jupiter.