Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/265

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je m’aperçus enfin que j’arrivois à la vérité, non plus comme les autres hommes après des recher­ches aveugles et incertaines, par un coup de for­tune plutôt que par art, mais qu’une longue expérience m’avoit appris des règles fixes, qui m’aidoient merveilleusement, et dont je me suis servi dans la suite pour trouver plusieurs vérités. Aussi ai-je pratiqué avec soin cette méthode, per­suadé que dès le principe j’avois suivi la direction la plus utile.

Mais comme tous les esprits ne sont pas égale­ment aptes à découvrir tout seuls la vérité, cette règle nous apprend qu’il ne faut pas tout-à-coup s’occuper de choses difficiles et ardues, mais com­mencer par les arts les moins importants et les plus simples, ceux surtout où l’ordre règne, comme sont les métiers du tisserand, du tapissier, des femmes qui brodent ou font de la dentelle ; comme sont encore les combinaisons des nombres, et tout ce qui a rapport à l’arithmétique, tant d’au­tres arts semblables en un mot, qui exercent mer­veilleusement l’esprit, pourvu que nous n’en em­pruntions pas la connoissance aux autres, mais que nous les découvrions nous-mêmes. En effet, comme ils n’ont rien d’obscur, et qu’ils sont par­faitement à la portée de l’intelligence humaine, ils nous montrent distinctement des systèmes in­nombrables, divers entre eux, et néanmoins ré-