Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/280

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nous peut être, et jusqu’à quel point l’art peut suppléer aux défauts naturels de l’esprit.

Car comme l’intelligence peut être mue par l’imagination, et agir sur elle, comme celle-ci à son tour peut agir sur les sens à l’aide de la force motrice en les appliquant aux objets, et que les sens d’autre part agissent sur elle en y peignant les images des corps, comme en outre la mémoire, au moins celle qui est corporelle et qui ressemble à celle des bêtes, est identique avec l’imagination, il suit de là que si l’intelligence s’occupe de choses qui n’ont rien de corporel ou d’analogue au corps, en vain espèrera-t-elle du secours de ces facultés. Il y a plus, pour que son action n’en soit pas ar­rêtée, il faut écarter les sens, et dépouiller, autant qu’il est possible, l’imagination de toute impres­sion distincte. Si, au contraire, l’intelligence se propose d’examiner quelque chose qui puisse se rapporter à un corps, il faudra s’en former dans l’imagination l’idée la plus distincte possible. Pour y parvenir plus facilement, il faut montrer aux sens externes l’objet même que cette idée repré­sentera. La pluralité des objets ne facilitera pas l’intuition distincte d’un objet individuel ; mais si de cette pluralité on veut distraire un individu, ce qui est souvent nécessaire, il faut débarrasser l’imagination de tout ce qui pourroit partager l’attention, afin que le reste se grave mieux dans