Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tel qu’il le possède dans son idée ou dans son image. Et qu’on ne juge pas pour cela que l’ima­gination nous représente fidèlement les objets des sens : les sens eux-mêmes ne réfléchissent pas la véritable figure des choses ; et enfin les objets externes ne sont pas toujours tels qu’ils nous ap­paraissent ; nous sommes à tous ces égards exposés à l’erreur, tout comme nous pouvons prendre un conte pour une histoire véritable. L’homme attaqué de la jaunisse croit que tout est jaune, parceque son œil est de cette couleur : un esprit malade et mélancolique peut prendre pour des réalités les vains fantômes de son imagination. Mais ces mêmes choses n’induiront pas en erreur l’intelligence du sage, parceque, tout en reconnoissant que ce qui lui vient de l’imagination y a été empreint réellement, il n’affirmera jamais que la notion soit arrivée non altérée des objets externes aux sens, et des sens à l’imagination, à moins qu’il n’ait quelque autre moven de s’en assurer. D’autre part, c’est nous qui composons nous-mêmes les objets de notre connoissance, toutes les fois que nous croyons qu’ils contiennent quel­que chose que notre esprit perçoit immédiatement sans aucune expérience. Ainsi, quand l’homme ma­lade de la jaunisse se persuade que ce qu’il voit est jaune, sa connoissance est composée et de ce que son imagination lui représente, et de ce qu’il