Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/306

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l’imagination, au moyen de figures nues ; de cette manière l’entendement la comprendra bien plus distinctement.

Pour nous servir aussi du secours de l’imagination, il faut remarquer que toutes les fois que nous déduisons une chose inconnue d’une chose qui nous étoit connue auparavant, nous ne trouvons pas pour cela un être nouveau, mais seulement la connoissance que nous possédions s’étend au point de nous faire comprendre que la chose cherchée participe d’une façon ou d’une autre à la nature des choses que contiennent les données. Ainsi il ne faut pas espérer pouvoir jamais donner à un aveugle de naissance des idées vraies sur les couleurs, telles que nous les avons reçues des sens. Mais soit un homme qui ait vu quelquefois les couleurs fondamentales, et jamais les couleurs intermédiaires et mixtes ; il se peut faire que par une sorte de déduction il se représente celles qu’il n’a pas vues, par leur ressemblance avec les autres. De même si l’aimant contient une espèce d’être auquel notre intelligence n’ait jusqu’à ce jour perçu rien de semblable, il ne faut pas espérer que le raisonnement nous la fera connoître ; il nous faudrait ou de nouveaux sens ou une âme divine. Mais tout ce que l’esprit humain peut faire en ce cas, nous croirons l’avoir atteint quand nous aurons perçu distinctement le