rechercher si c’est un corps véritable ou seulement un espace ; et cela n’a pas besoin de plus d’explication, puisqu’il n’est rien que notre imagination perçoive plus facilement. Mais comme les savants usent souvent de distinctions tellement subtiles qu’ils troublent les lumières naturelles, et trouvent des ténèbres même dans les choses que les paysans n’ont jamais ignorées, il faut les avertir que par étendue nous ne désignons pas quelque chose de distinct ni de séparé d’un sujet, et qu’en général nous ne reconnoissons aucun des êtres philosophiques de cette sorte, qui ne tombent pas réellement sous l’imagination. Car, encore bien que quelqu’un puisse se persuader qu’en anéantissant tout ce qui est étendu dans la nature, rien ne répugne à ce que l’étendue seule existe par elle-même, il ne se servira pas pour cette conception d’une idée corporelle, mais de sa seule intelligence portant un faux jugement. Il le reconnoîtra lui-même, pourvu qu’il réfléchisse attentivement à cette image même de l’étendue qu’il s’efforcera alors de se représenter dans l’imagination. Il remarquera en effet qu’il ne l’aperçoit pas abstraction faite de tout sujet, mais qu’il l’imagine tout autrement qu’il ne la juge : de telle sorte que tous ces êtres abstraits, quelque opinion qu’ait d’ailleurs l’intelligence sur la vérité de la chose, ne se forment jamais dans l’imagination séparés de tout sujet.