Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/351

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philosophie ? En effet la science de mes voisins n’est pas la limite de la mienne, comme leurs champs qui entourent de tous côtés ce peu de terre que je possède ici ; et mon esprit, disposant à son gré de toutes les vérités qu’il a trouvées, ne pense pas à en découvrir d’autres, et il jouit du même repos que le roi d’un pays qui seroit assez isolé de tous les autres pour que ce roi s’imaginât qu’au-delà de ses frontières il n’y a que des déserts stériles et des monts inhabitables.

Épistemon. Si tout autre homme que vous me parloit ainsi, je le regarderois comme un esprit superbe ou trop peu curieux ; mais la retraite que vous avez choisie dans cette solitude, et le peu de soin que vous prenez pour briller, éloignent de vous tout soupçon d’ostentation, et le temps que vous avez jadis consacré à des voyages, à visiter les savants, à examiner tout ce que chaque science contenoit de plus difficile, nous assure que vous ne manquez pas de curiosité. Aussi ne puis-je dire autre chose sinon que vous êtes entièrement content, et que votre science est réellement supérieure à celle des autres.

Eudoxe. Je vous remercie de la bonne opinion que vous avez de moi ; mais je ne veux pas abuser de votre politesse au point de vouloir que vous croyiez ce que je viens de dire uniquement sur la foi de mes paroles. Il ne faut pas avancer des opi-