Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/357

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et trouver de nous-mêmes, avec un esprit ordinaire, ce que les plus fins peuvent découvrir. Après avoir ainsi préparé notre intelligence à juger parfaitement de la vérité, il faut encore nous accoutumer à diriger notre volonté en distinguant le bien du mal, et en observant la vraie différence qui est entre la vertu et le vice. Cela fait, j’espère que votre ardeur de connoitre ne sera pas si violente, et tout ce que je vous dirai vous paroîtra si bien prouvé que vous viendrez à croire qu’un homme d’un esprit sain, eût-il été élevé dans un désert, et n’eût-il été jamais éclairé que des lumières de la nature, ne pourrait, s’il pesoit les mêmes raisons, embrasser un avis différent du nôtre. Pour commencer ce discours, il faut examiner quelle est la première connoissance de l’homme, en quelle partie de l’âme elle réside, et pourquoi au commencement elle est si imparfaite.

Épistemon. Tout cela me paraît s’expliquer très clairement, si on compare l’imagination des enfants à une table rase sur laquelle nos idées, qui sont comme la vive image des objets, doivent se peindre. Les sens, les penchants de l’esprit, les maîtres et l’intelligence sont les divers peintres qui peuvent faire cette œuvre, et, parmi eux, ceux qui sont les moins propres à y réussir la commencent ; c’est à savoir, les sens imparfaits,