Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/370

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avancer des paroles peut-être même dans un certain ordre, mais c’est ne rien dire ; car cela ne signifie rien qui puisse être conçu et former dans notre esprit une idée claire et distincte. Même quand, pour répondre à votre question, j’ai dit que j’étois un homme, je ne pensois pas à tous les êtres scolastiques que j’ignorois, dont jamais je n’avois entendu parler, et qui selon moi n’existent que dans l’imagination de ceux qui les ont inventés ; mais j’ai parlé des choses que nous voyons, que nous touchons, que nous sentons, que nous éprouvons en nous-mêmes, en un mot des choses que sait le plus simple des hommes aussi bien que le plus grand philosophe au monde, c’est-à-dire que je suis un certain tout composé de deux bras, de deux jambes, d’une tête, et de toutes les parties qui constituent ce qu’on appelle le corps humain, et qui en outre se nourrit, marche, sent et pense.

Eudoxe. Je voyois déjà par votre réponse que vous n’aviez pas bien saisi ma question, et que vous répondiez à plus de choses que je ne vous en avois demandé. Mais comme au nombre des choses dont vous doutez vous avez déjà mis les bras, les jambes, la tête, et toutes les autres parties qui composent la machine du corps humain, je n’ai nullement voulu vous interroger sur toutes ces choses, de l’existence desquelles vous n’êtes pas sûr.