Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Eudoxe. Cette chaleur me plaît infiniment, quoiqu’elle puisse déplaire à Épistémon, qui, tant que vous ne lui aurez pas enlevé son erreur, et que vous ne lui aurez pas mis sous les yeux une partie des choses que vous dites être contenues dans ce principe, croira toujours, ou au moins craindra que le flambeau qui vous est offert ne soit semblable à ces feux qui s’éteignent et s’évanouissent dès qu’on s’en approche, et qu’ainsi vous ne retombiez dans vos premières ténèbres, c’est-à-dire dans votre ancienne ignorance. Et certes ce seroit merveille que vous, qui n’avez jamais étudié ni ouvert les livres des philosophes, devinssiez tout d’un coup savant à si peu de frais. Aussi ne devons-nous pas nous étonner qu’Épistemon juge de cette manière.

Épistemon. Oui, je l’avoue, j’ai pris cela pour de l’enthousiasme, et j’ai cru que Polyandre, qui jamais n’a médité sur les grandes vérités qu’enseigne la philosophie, étoit si transporté de la découverte de la moindre d’entre elles, qu’il n’a pu s’empêcher de vous le témoigner par les éclats de sa joie. Mais ceux qui comme vous ont marché longtemps dans ce chemin, et ont dépensé beaucoup d’huile et de peine à lire et relire les écrits des anciens, et à débrouiller et expliquer ce qu’il y a de plus embarrassé dans les philosophes, ne s’étonnent pas plus de cet enthousiasme et n’en font