Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/379

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Épistemon. Puisque vous me prenez à partie, et que même vous me piquez, je vais vous montrer ce que peut la logique irritée, et en même temps j’élèverai des embarras et des obstacles tels, que non seulement Polyandre, mais encore vous-même aurez bien de la peine à vous en tirer. N’allons donc pas plus loin, mais arrêtons-nous ici, et examinons sévèrement vos principes et vos conséquences. En effet, avec le secours de la vraie logique, d’après vos principes mêmes, je démontrerai que tout ce qu’a dit Polyandre ne repose pas sur un fondement légitime, et ne conclut rien. Vous dites que vous êtes, et que vous savez que vous êtes, que vous le savez parce que vous doutez et parce que vous pensez. Mais savez-vous ce que c’est que douter, ce que c’est que penser ? Et, comme vous ne voulez rien admettre dont vous ne soyez certain, et que vous ne connoissiez parfaitement, comment pouvez-vous être certain que vous êtes, en partant de données si obscures et conséquemment si peu certaines ? Il auroit donc fallu d’abord apprendre à Polyandre ce que c’est que le doute, ce que c’est que la pensée, ce que c’est que l’existence, afin que son raisonnement put avoir la force d’une démonstration, et qu’il put d’abord se comprendre lui-même, avant de se donner à comprendre aux autres.

Polyandre. Cela passe ma portée, aussi j’aban-