Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/386

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établir nos bases, et qu’une fois qu’elles seront bien fixées nous pousserons les conséquences plus loin et avec beaucoup plus de facilité que nous n’eussions osé nous le promettre ; de telle sorte que je pense que toutes les erreurs qui arrivent dans les sciences viennent de ce que nous avons en commençant porté des jugements trop précipités, en admettant comme principes des choses obscures, et dont nous n’avions aucune notion claire et distincte. C’est là une vérité qui prouve le peu de progrès que nous avons faits dans les sciences dont les principes sont certains et connus de tous ; car au contraire, dans les autres, dont les principes sont obscurs ou incertains, ceux qui voudront sincèrement énoncer leur pensée seront forcés d’avouer qu’après y avoir employé beaucoup de temps et lu beaucoup de gros volumes, ils reconnoissent qu’ils ne savent rien et n’ont rien appris. Qu’il ne vous paroisse donc pas étonnant, mon cher Épistémon, si, voulant conduire Polyandre dans la voie plus sûre qui m’a mené à la connoissance, je sois tellement soigneux et tellement exact que je ne tienne pour vrai que ce dont je suis certain, savoir les propositions suivantes, Je suis, Je pense, Je suis une chose pensante.

Épistemon. Vous me paroissez ressembler à ces auteurs qui retombent toujours sur leurs pieds, tant vous revenez sans cesse à votre principe, ce-