Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/38

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lui demanda, non sans insolence : « Monsieur messire[1] Phelippe, vous courroucez vous ? vous tien je tort ? que me voulez vous ? je ne vous cuide en rien avoir meffait[2] ! » Sans proférer une parole, Sermoise tira une dague de des-

    son faux ami. Ibid., t. II, p. 217 (fév. 1388). Dans ces deux phrases, courroucer a successivement — comme ici — le sens de frapper et d’être en colère. Cette apostrophe de Villon à Sermoise rappelle — mutatis mutandis — l’invitation de Don Juan à son père qui vient de lui reprocher sa conduite : « Monsieur, si vous étiez assis, vous en seriez mieux pour parler. » — Don Luis : « Non, insolent, je ne veux point m’asseoir ni parler davantage… » Act. IV, sc. iv (Molière, édit. Despois, Coll. des grands écriv. de la France), t. V, p. 177.

  1. Monsieur messire. — S’adressant à un simple prêtre, le terme de « messire » était une formule de déférence, généralement employée, et qui suffisait : faire précéder ce terme du mot « monsieur » était une impertinence préméditée et voulue. Il en est autrement quand Saintré s’adressant à Enguerrant de Servillon, chevalier, lui dit : « Monsieur messire Enguerand, il a plu a Dieu et a ma bonne fortune… » fr. 1506, fol. 67 ; dans le fr. n. acq. 10057, fol. 64 v° « Monseigneur messire Enguerran » (en toutes lettres dans le ms.). Cf. La Curne de Sainte-Palaye s. v. messires. Gueulette dans son édition de Saintré, écrit « Monsieur messire ». Il n’a pas consulté les mss., mais il reproduit l’édition de 1525 qui n’est que la réédition de celle de 1517 de Michel Le Noir, t. II, p. 228 (Paris, 1724, in-12). Guichard, dans son édition, donne « Monseigneur messire », p. 101-102.
  2. Ces paroles de Villon ne sont pas sans évoquer celles de Joseph à ses frères qui vont « En la fosse le devaller » (v. 17501).

    Helas ! mes chers freres, comment ?
    Que me voulez vous ? Que ay je fait ?
    Point ne pense avoir meffaict
    Que je saiche, sus mon serment !

    Le Mystère du viel Testament (Soc. des anciens Textes français), t. II, v. 17495-98. Il peut n’y avoir là qu’une simple coïncidence; mais il n’est pas impossible, non plus, qu’une lointaine réminiscence n’ait surgi chez Villon, même en ce moment où d’ailleurs il se mêle — en pince-sans-rire qu’il est — de railler et de persifler, et cela, devant témoins.