Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923.djvu/62

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sujet qui semble avoir tenu bien à cœur à son auteur, car il l’avait déjà traité lui-même au moins deux fois antérieurement[1]. Nous connaissons les pièces de cette sorte de concours[2] : la ballade de Villon l’emporte sur toutes les autres. Il sait y mettre sa note personnelle, en même temps qu’il nous montre les contradictions de sa nature faible et mobile et qu’il se dépeint tout entier dans ce témoignage : je ris en pleurs. Toutefois, à l’Envoi, il parle de ravoir les gages, qu’il avait tout d’abord reçus. Ils lui auraient donc été supprimés. Pour quel motif ? il est impossible de le dire ; mais la cause devait être d’importance, et Villon semble implicitement le reconnaître quand il fait appel à la clémence du prince et lui demande de rentrer dans ses bonnes grâces[3]. N’ayant pu faire revenir le duc sur sa décision, Villon quitta Blois et alla probablement à Bourges ainsi que le donne à penser l’allusion qu’il y fait dans un passage relatif aux frères Perdrier qui l’avaient desservi auprès de Jean Cœur, archevêque de cette ville[4]. On a torturé ce texte obscur à dessein, et l’on a pris au sérieux cette friture de langues dont il est question, après avoir transformé Villon en cuisinier pour la circonstance ; puis pour rendre moins invraisemblable cette fiction ultra-fantaisiste, on a imaginé de faire de François Perdrier un écuyer de cuisine alors, qu’à cette époque, il n’était qu’un

  1. Champion, F. Villon, t. II, p. 95.
  2. Elles ont toutes été publiées par Marie Guichard dans son édition des poésies de Charles d’Orléans.
  3. Poésies div., VII, 31 ; et les notes y relatives (dans le Commentaire).
  4. Test., huit, cxxx-cxxxi. Villon ne consacre pas moins de deux huitains aux frères Perdrier indépendamment de la ballade des langues envieuses, ce qui laisse à supposer que l’affaire devait être, à ses yeux, d’une importance toute particulière, et qu’il en avait conservé un cuisant souvenir.