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176 FRANÇOIS VILLON

présence d'un de ces mauvais jeux de mots, fréquents à l'époque de \'illon, comme chez ce dernier. L'expression en son prunier n'a pas cren pourrait signifier « qu'on n'y a pas foi, qu'on n'y croit pas » (cf. Revue critique, 1867, p. 249). — Creu est également le participe passé de croire et de croître. L'équivoque n'était pas pour déplaire à Villon. On disait au xve siècle « sot comme un prunier >> .

Je ne seroye qu'ung asnier, Voire aussi sot comme ung prunier. Éloi d'Amerval, La grant Deahlerie, liv. II, chap. 36.

« D'un homme qui se pare de quelque pensée d'autrui, nous disons encore — par forme de proverbe — que cette pensée nest pui du cru de son jardin » (édit. de Villon, 1742). De même, on peut entendre «que son prunier ne produit plus rien, qu'il est stérile et desséché ». L'ex- pression pourrait alors se rattacher à la parabole du figuier qui porte des feuilles et qui, plus tard, est maudit de Jésus, et séché. Cette dernière, en effet, n'est pas sans s'appliquer au vieillard dont on écoutait avec faveur les plaisanteries lorsqu'il était jeune, et qui, vieux, passerait pour fou, s'il s'avisait de recommencer. « Ab arbore autem fîci discite para- bolam, cum jam ramus ejus tener fuerit et folia nata, scitis quia prope est aestas : ita et vos, cum videritis haec, scitote quia prope est in januis. » Matth. xxiv, 32 et suiv. Cf. également Marc, xiii, 28, et la fin du chap. ler de saint Jean. Voici quelques lignes d'un légendaire fran- çais du xve siècle où la parabole du figuier est rapportée. «[Jhesus] comme il yssoit de Bethanie, si ot fain. Et voyant de loin un arbre figuier ayant feuilles, si s'en vint la se aucune chose par aventure \- peust avoir trouvé. Et lors qu'il y vint, il n'y trouva que feuilles. Car ce n'estoit pas adont le temps des figues. Et Jhesus lui dist : « Jamais nul de ton fruit mengera... » Marc. xi. (Fr. 907, fol. xlii»). — Des huitains XLii, XLiv, XLV on peut rapprocher le passage suivant de VEsperance ou Consolacion des III. Vertus, d'Alain Chartier. « Car tes meilleurs jours et ton joyeulx temps est le premier passé. Et des que jeunesse fault, la commence chagrin et soussi de pensée. Bon fait laisser aller une espace de ton brief aage pour toy persévérer de cheoir en ville pouvreté. Car il n'est misère plus aspre ne plus impacient enfermeté que souffrir ensemble pouvreté et viellesse : pouvreté ne peut viellesse nourir, et viellesse ne veult pouvreté endurer... » Fr. 1123, fol. 125 vo.

XLVL — Cette pensée du « povre viellart >•> aujourd'hui bon à rien, reporte Villon vers ces vieilles prostituées qui « n'oni

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