Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/119

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La pitié vous prendrait, et la pitié fait mal
Votre face vermeille en deviendrait morose,
Et le soir votre couche aurait un pli de rose.
Tremblez, quand le punch bout dans son cratère ardent,
D’égarez vers la porte un coup d’œil imprudent ;
Vos ris évoqueraient un fantôme bizarre,
Et vous rencontreriez face à face Lazare
Qui, béant à l’odeur, voudrait et n’ose pas
Disputer à vos chiens les miettes du repas.
Éblouissant les yeux de l’or qui le blasonne,
Quand votre char bondit sur un pont qui résonne,
Passez vite, de peur d’entendre jusqu’à vous
Monter le bruit que font ceux qui passent dessous ;
Car voici le moment de la débâcle humaine ;
La Morgue va pêcher les corps que l’eau promène ;
L’égoïsme, en sultan, jouit et règne : il a
Des crimes à cacher, et son Bosphore est là…

Il est vrai, quelquefois une plainte légère
Blesse la majesté du riche qui digère ;
Des hommes, que la faim moissonne par millions,
En se comptant des yeux disent : Si nous voulions !
Le sanglot devient cri, la douleur se courrouce,
Et plus d’une cité regarde la Croix-Rousse.
Mais quoi ! n’avez-vous pas des orateurs fervents