Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/252

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C’était mon Égérie, et l’oracle prospère
À toutes mes douleurs jetait ce mot : « Espère !
Espère et chante, enfant dont le berceau trembla,
Plus de frayeur : Camille et ta mère sont là.
Moi, j’aurai pour tes chants de longs échos… » — Chimère !
Le fossoyeur m’a pris et Camille et ma mère.
J’avais bien des amis ici-bas quand j’y vins,
Bluet éclos parmi les roses de Provins :
Du sommeil de la mort, du sommeil que j’envie,
Presque tous maintenant dorment, et, dans la vie,
Le chemin dont l’épine insulte à mes lambeaux,
Comme une voie antique est bordée de tombeaux.
Dans le pays des sourds j’ai promené ma lyre ;
J’ai chanté sans échos, et, pris d’un noir délire,
J’ai brisé mon luth, puis de l’ivoire sacré,
J’ai jeté les débris au vent… et j’ai pleuré !
Pourtant, je te pardonne, ô ma Voulzie ! et même,
Triste, tant j’ai besoin d’un confident qui m’aime,
Me parle avec douceur et me trompe, qu’avant
De clore au jour mes yeux battus d’un si long vent,
Je veux faire à tes bords un saint pélerinage,
Revoir tous les buissons si chers à mon jeune âge,
Dormir encore au bruit de tes roseaux chanteurs,
Et causer d’avenir avec tes flots menteurs.