Bec-d’Or, mon beau faucon, en est mort de jalousie ; et tous les soirs vous me quittez, ingrate, pour courir les champs comme une souris sans aveu ! Et où allez-vous de la sorte, sans souci de vos dangers et de mes inquiétudes ? Où allez-vous ? répondez ! je veux le savoir ! je le veux ! » L’interrogatoire était pressant, et pourtant, comme vous pensez bien, la pauvre Blanchette n’y répondit pas ; mais, fixant d’un air triste ses petits yeux intelligents sur ceux de l’enfant grondeur, elle chiffonna les pages d’un évangile entr’ouvert sur la table, et arrêta ses pattes roses sur ces paroles : Visiter les prisonniers. Charles demeura surpris et confus, comme il advient aux présomptueux qui reçoivent une leçon à l’instant même où ils croyaient en donner une ; car plus d’une fois il avait entendu raconter des choses étranges sur les habitants souterrains du Plessis-lès-Tours, et plus d’une fois il avait médité un pieux pèlerinage à la prison de ce jeune d’Armagnac dont l’âge et la naissance excitaient plus particulièrement sa curiosité et sa sympathie ; mais la terreur que lui inspirait son père l’avait retenu jusqu’alors, et maintenant il se reprochait sa prudence comme un crime. Dès le soir même il résolut de l’expier. Quelques minutes après le couvre-feu, il s’esquiva de sa tourelle, suivi d’un jeune valet chargé d’une corbeille qui renfermait du pain, du vin et des fruits, et descendit dans une des cours intérieures du château. Une compagnie de la garde écossaise y rôdait au clair de lune le long des murailles. Qui vive ? cria une voix rauque et menaçante. — Charles, dauphin. — On ne passe pas ! » Mais Charles s’approcha de l’officier de ronde, et lui souffla deux mots à l’oreille. « S’il en est ainsi, allez, monseigneur ! dit alors le soldat visiblement déconcerté ; allez ! et que Dieu vous protège ;
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