jusqu’à présent dans l’intérêt dramatique de mon récit. L’esprit, le bon cœur et les manières de Blanchette vous étonnent sans doute, et je le conçois ; car moi-même, qui eus autrefois mainte occasion d’étudier de près le peuple intéressant des souris, jamais, je l’avoue, je n’ai rien observé de semblable. Il est donc urgent de le dire : Blanchette n’avait d’une souris que la forme, Blanchette était une fée ! Les historiens du temps, il est vrai, n’ont rien dit de cette métamorphose ; mais je puis vous en garantir l’authenticité, et de plus vous en révéler les causes secrètes, sur la foi de certain manuscrit gros et gras de science, qui m’est échu pour lot dans l’héritage de ma grand’tante. Des rats bibliophiles en ont mangé les trois quarts, les vers l’ont illustré de broderies à jour, et ce n’est pas sans peine, je vous jure, que je suis parvenu à déchiffrer et à traduire pour vous, de la langue romane en français moderne, le chapitre suivant, intitulé : Comme quoi la Fée des Pleurs fut changée en blanche sourette.
Un jour, jour de printemps et de nouvelle lune, il se fit un grand mouvement dans le royaume des fées. Les sylphides s’éveillaient avant l’aurore pour se parfumer avec la poussière des lis ; les ondines cherchaient pour se mirer l’endroit le plus clair de leur fontaine ; les dames des bois oubliaient d’agacer et d’égarer les voyageurs pour se couronner de violettes et d’anémones ; car toutes étaient conviées à une grande fête que donnait le soir même la reine des fées à son peuple. A l’heure convenue, comme vous le pensez bien, ces dames arrivèrent en foule, exactes et empressées, chacune voyageant à sa manière : l’une dans une conque de saphyr attelée de papillons ; l’autre dans une feuille de rose emportée par le vent ; d’autres enfin, et ce fut le plus grand nombre, chevauchant en croupe, tout bonnement, comme de