fois, seul dans sa petite chambre, il se fit en pensée acteur de ce grand drame militaire.
Il eût fallu le voir alors trépigner, bondir et crier : « Tirez les premiers, messieurs les Anglais ! — Maréchal, notre cavalerie est repoussée ! —.La colonne ennemie est inébranlable ! — En avant la maison du roi ! — Pif ! paf ! Baound ! baound ! — Bravo ! le carré anglais est enfoncé ! — A nous la victoire ! vive le roi ! »
Le pauvre Lazare se croyait pour le moins alors écuyer de Louis XV ou colonel. Une pareille ambition vous fait rire sans doute ! C’eût été miracle, n’est-ce pas, que le neveu de la fruitière pût s’élever si haut ? Oui, mais souvenez-vous que nous approchons de 1789, époque féconde en miracles, et écoutez :
Lazare, engagé d’abord dans les gardes françaises, malgré les larmes de sa tante qu’il tâchait en partant de consoler par ses caresses, ne tarda pas de devenir sergent. Puis le siècle marcha, et la fortune de bien des sergents aussi. Enfin, de grade en grade, il devint… devinez. — Colonel ? — Il n’y avait plus de colonels. — Ecuyer du roi ? — Il n’y avait plus de roi. — Vous ne devinez pas ? Eh bien ! Lazare, le fils du cuisinier, Lazare le neveu de la fruitière, devint général ; non plus général pour rire, et en casque de papier ; mais général pour de bon, avec un chapeau empanaché et un habit brodé d’or ; général en chef, général d’une grande armée française, rien que cela, et, si vous en doutez, ouvrez l’histoire moderne, et vous y lirez avec attendrissement les belles et grandes actions du général Hoche. (Hoche était le nom de famille de Lazare). Hâtons-nous de dire à sa louange, que ses victoires, bien sérieuses cette fois, le laissèrent aussi modeste et aussi bon que ses