Déjà que de douleurs se soulevaient en France !
Menacés par les lois, que d’artisans obscurs
S’entretenaient tout bas de leurs destins futurs,
Et, loin de la patrie esclave et désolée,
Se choisissaient d’avance une tombe exilée !
Jeune encore et tremblant pour l’art qui m’a nourri,
Moi, j’ai pleuré comme eux, et comme eux j’ai souri,
Lorsque de nos cités, à la douleur en proie,
S’élevèrent des feux et des concerts de joie.
Non, sur des bords lointains il ne faudra jamais
Devant ses ennemis rougir du nom français,
Et, dans l’état obscur où le ciel nous fit naître,
Notre sort coulera paisible, heureux peut-être !
Quand l’art hospitalier nous laisse des loisirs,
Ainsi qu’à nos besoins, il veille à nos plaisirs.
Et qui donc n’a jamais puisé dans la lecture
Un oubli consolant, une volupté pure ?
Les livres, autrefois vendus au poids de l’or,
Dont l’avare opulence amassait le trésor,
Des cloîtres, des palais secouant la poussière,
Se sont enfin glissés jusque dans la chaumière ;
Pénates vigilants, en tous lieux aujourd’hui
Ils bercent les douleurs et dissipent l’ennui ;
Souvent ils sont fêtés même par l’ignorance.
Notre cœur languit-il en deuil d’une espérance,
Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/50
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