Page:Œuvres de Louise Ackermann.djvu/15

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monde des manières par trop rustiques, profitait avec empressement de cette occasion de les produire dans un salon. Mes sœurs étaient enchantées. Pour moi, je ne me laissais traîner à Belinglise qu’à mon corps défendant. J’aurais donné tout au monde pour rester à la maison avec mon père. Les hôtes du château furent bientôt dans le secret de mes répugnances, que d’ailleurs je ne cachais pas. C’était à qui me ferait des niches. La plus affreuse était de m’inviter à danser. Léopold Double, l’amateur bien connu d’objets d’art, alors élève de l’École polytechnique, était au nombre de ces mauvais plaisants. Sa sœur Mélanie, depuis madame Libri, une des femmes les plus intelligentes et les plus spirituelles que j’aie connues, ne m’épargnait pas non plus.

Mon père tombe malade. Il revient à Paris et y meurt presque aussitôt. Je perdais en lui le meilleur des pères. Nous avions le même caractère, les mêmes goûts. C’est lui qui me protégeait contre les tracasseries systématiques de ma mère et les taquineries de mes sœurs.

Il régnait dans ma famille, à côté d’un penchant très prononcé pour la littérature, d’invincibles préjugés contre les gens de lettres. Les relations littéraires me furent donc interdites. C’étaient cependant les seules qui m’eussent offert quelque