Page:Œuvres de Louise Ackermann.djvu/19

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sans peine de tout-amour dans ma vie ; mais rencontrant celui-là, si sincère et si profond, je n’eus pas le courage de le repousser. Je me mariai donc, mais sans entraînement aucun ; je faisais simplement un mariage de convenance morale. J’avais bien toujours eu dans l’esprit un idéal d’union conjugale ; le jugeant impossible à réaliser, je m’étais, de très bonne heure, résignée à vivre et à mourir fille. Avec mes exigences morales excessives et mon esprit à la fois austère et exclusif, le mariage ne pouvait être pour moi qu’exquis ou détestable : il fut exquis. Je m’attachai extrêmement à mon mari. Abandonnant mes propres études, lesquelles n’avaient jamais été pour moi que le remplissage d’une existence vide, je me consacrai tout entière à ses travaux et lui devins une aide précieuse. C’est même à cette occasion que je fis connaissance avec nos vieux conteurs et leur délicieux langage. Quant à ma poésie personnelle, il n’en était plus question. Mon mari a toujours ignoré que j’eusse fait des vers ; je ne lui ai jamais parlé de mes exploits poétiques. À me voir, du matin au soir, dépouiller ou vaquer aux choses du ménage, comment aurait il pu soupçonner qu’il avait épousé une ex-Muse La vraie raison de mon silence, c’est que je tenais extrêmement à sa considération. Or, il ne faut