Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/105

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Mon malheureux amour paſſe tous mes forfaits ;
Je ne ſurvivrai pas à l’aveu que j’en fais.
Faut-il juſqu’à ce point que ma gloire s’oublie !
Ah ſeigneur ! Cet aveu me coûtera la vie.
Que le deſtin épargne ou termine vos jours,
Oui, cet aveu des miens doit terminer le cours ;
Et, quel que ſoit le ſort que vous devez attendre
Je ne vous verrai plus, je n’en veux rien apprendre.
Adieu, ſeigneur, adieu : qu’à jamais votre cœur
Garde le ſouvenir d’une ſi tendre ardeur.
Pour moi, dès ce moment je vais fuir de la Crète ;
Heureuſe ſi ma mort prévenait ma retraite !

I D A M A N T E.

Eh quoi ! Vous me fuyez ! Ah ! Du moins, dans ces lieux,
Laiſſez-moi la douceur d’expirer à vos yeux :
Ne les détournez point dans ce moment funeſte ;
Laiſſez-moi voir encor le ſeul bien qui me reſte.
Demeurez… ou ma mort…

É R I X È N E.

Demeurez… ou ma mort… Ah ! De grâce, ſeigneur,
Par ce cruel diſcours n’accablez pas mon cœur.
Mon devoir, malgré moi, vous défend de me ſuivre ;
Mais l’amour, malgré lui, vous ordonne de vivre.