Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
T H E S S A N D R E.

Que dites-vous, ſeigneur ? Quoi ! Pour une inconnue…

P L I S T H È N E.

Peux-tu me condamner, Theſſandre ? Tu l’as vue :
Non, jamais plus de grace & plus de majeſté
N’ont diſtingué les traits de la divinité.
Sa beauté, tout enfin, juſqu’à ſon malheur même,
N’offre en elle qu’un front digne du diadême :
De ſuperbes débris, une noble fierté,
Tout en elle du ſang marque la dignité.
Je te dirai bien plus : cette même inconnue
Voit mon âme à regret dans ſes fers retenue ;
Et qui peut dédaigner mon amour & mon rang
Ne peut être formé que d’un illuſtre ſang.
Quoi qu’il en ſoit, mon cœur, charmé de ce qu’il aime,
N’examine plus rien dans ſon amour extrême.
Quel cœur n’eût-elle pas attendri, juſtes dieux !
Dans l’état où le ſort vint l’offrir à mes yeux,
Déplorable jouet des vents & de l’orage,
Qui, même en l’y pouſſant, l’envioient au rivage ;
Roulant parmi les flots, les morts, & les débris,
Des horreurs du trépas les traits déjà flétris,
Mourante entre les bras de ſon malheureux père,
Tout prêt lui-même à ſuivre une fille ſi chère !…
J’entends du bruit. On vient : peut-être c’eſt le roi…