Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/155

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D’en différer enfin le moment malgré moi.
Mais qui l’a pu porter à me manquer de foi ?
N’avait-il pas juré de ſervir ma colère ?
Tant de ſoins redoublés pour la fille & le père
Ne ſont-ils les effets que d’un cœur généreux ?
Non, non ; la ſource en eſt dans un cœur amoureux ;
Tant d’ardeur à ſauver cette race ennemie
Me dit trop que Pliſthène aime Théodamie :
Je n’en puis plus douter ; il la voit chaque jour,
Il a pris dans ſes yeux ce déteſtable amour ;
Et je m’étonne encor d’une ardeur ſi funeſte !
Que pouvait-il ſortir d’Aerope & de Thyeſte,
Qu’un ſang qui dût un jour aſſouvir mon courroux ?
Le crime eſt fait pour lui ; la vengeance, pour nous.
Livrons-le aux noirs forfaits où ſon penchant le guide ;
Joignons à tant d’horreurs l’horreur d’un parricide.
Puis-je mieux me venger de ce ſang odieux
Que d’armer contre lui ſon forfait & les dieux ?
Heureux qu’en ce moment le crime de Pliſthène
Me laiſſe ſans regret au courroux qui m’entraîne !
Qu’il vienne ſeul ici.