Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/178

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Je le répète encor ; tes malheurs ſont ſi grands,
Qu’à peine je les crois, moi qui te les apprends.

Il lui montre un billet d’Aerope.

Ce billet ſeul contient un ſecret ſi funeſte…
Mais, avant de l’ouvrir, écoute tout le reſte.
Tu n’as pas oublié les ſujets odieux
D’un courroux excité par tes indignes feux :
Souviens-t’en ; c’eſt à toi d’en garder la mémoire :
Pour moi, je les oublie ; ils bleſſent trop ma gloire.
Cependant contre toi que n’ai-je point tenté !
J’en ſens encor frémir mon cœur épouvanté.
En vain ſur mes ſerments ton âme raſſurée
Comptait ſur une paix que je t’avais jurée ;
Car, dans l’inſtant fatal où j’atteſtais les cieux,
Je me jurais ta mort, & j’impoſais aux dieux.
Je n’en veux pour témoin que ce même Pliſthène,
Par de pareils ſerments qui ſut tromper ma haine.
C’était lui qui devait me venger aujourd’hui
D’un crime dont l’affront rejailliſſait ſur lui ;
Et, pour mieux l’engager à t’arracher la vie,
J’en devais, au refus, priver Théodamie.
De ce récit affreux ne prends aucun effroi :
Tu dois te raſſurer en le tenant de moi.

À Pliſthène.

Et toi, dont la vertu m’a garanti d’un crime,
Ne crains rien d’un courroux peut-être légitime.