Je conçois la douleur où la crainte vous plonge.
Un préſage ſi noir n’eſt cependant qu’un ſonge
Que le ſommeil produit & nous offre au haſard,
Où, bien plus que les dieux, nos ſens ont ſouvent part.
Pourrais-je craindre un ſonge à vos yeux ſi funeſte,
Moi qui ne compte plus d’autre ennemi qu’Oreſte ?
Au gré de ſa fureur qu’il s’arme contre nous,
Je ſaurai lui porter d’inévitables coups.
Ma haine à trop haut prix vient de mettre ſa tête,
Pour redouter encor les malheurs qu’il m’apprête.
C’eſt en vain que Samos la defend contre moi :
Qu’elle tremble, à ſon tour, pour elle & pour ſon roi.
Athènes déſormais, de ſes pertes laſſée,
Nous menace bien moins qu’elle n’eſt menacée ;
Et le roi de Corinthe, épris plus que jamais,
Me demande aujourd’hui ma fille avec la paix.
Quel que ſoit ſon pouvoir, quoi qu’il en oſe attendre,
Sans la tête d’Oreſte il n’y faut point prétendre.
D’ailleurs, pour cet hymen le ciel m’offre une main
Dont j’attends pour moi-même un ſecours plus certain.
Ce héros, défenſeur de toute ma famille,
Eſt celui qu’en ſecret je déſtine à ma fille.
Ainſi je ne crains plus qu’Électre & ſa fierté,
Ses reproches, ſes pleurs, ſa fatale beauté,
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