Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/223

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Juge de ma douleur, quand je ſus que ma vie
Était le prix des ſoins d’une main ennemie !
455Des périls de la mer Tydée enfin remis,
Une nuit, allait fuir loin de ſes ennemis,
Lorſque, la même nuit, d’un vainqueur en furie
Epidaure éprouva toute la barbarie.
Figure-toi les cris, le tumulte & l’horreur.
460Dons ce trouble, ſoudain je m’arme avec fureur,
Incertain du parti que mon bras devait prendre,
S’il faut preſſer Égiſthe, ou s’il faut le défendre.
L’ennemi cependant occupait les remparts,
Et ſur nous à grands cris fondait de toutes parts.
465Le ſort m’offrit alors l’aimable Iphianaſſe,
Et ma haine bientôt a d’autres ſoins fit place.
Ses pleurs, ſon déſespoir, Itys près de périr,
Quels objets pour un cœur facile à s’attendrir !
Oreſte ne vit plus : mais, pour la sœur d’Oreſte,
470Il faut de ſes états conſerver ce qui reſte,
Me diſais-je à moi-même, et, loin de l’accabler,
Secourir le tyran qu’on devait immoler :
Je chaſſerai plutôt Égiſthe de Mycènes,
Que d’en chaſſer les rois de Corinthe & d’Athènes.
475Par ce motif ſecret mon cœur determiné,
Ou par des pleurs touchants bien plutôt entraîne,
Du ſoldat qui fuyait ranimant le courage,
À combattre du moins mon exemple l’engage ;