Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/242

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T Y D É E.

Moi, vous abandonner ! Ah ! Quelle âme endurcie
Par des pleurs ſi touchants ne ſerait adoucie ?
Moi, vous abandonner ! Plutôt mourir cent fois.
860Jugez mieux d’un ami dont Oreſte fit choix.
Je conçois, quand je vois les yeux de ma princeſſe,
Juſqu’où peut d’un amant s’étendre la faibleſſe ;
Mais quand je vois vos pleurs, je conçois encor mieux
Ce que peut le devoir ſur un cœur vertueux.
865Pourvu que votre haine épargne Iphianaſſe,
Ce n’eſt rien que pour vous ne tente mon audace.
Je ne ſais, mais je ſens qu’à l’aſpect de ces lieux
Égiſthe à chaque inſtant me devient odieux.

É L E C T R E.

À l’ardeur dont enfin ma haine eſt ſecondée,
870À ce noble tranſport je reconnais Tydée.
Malgré tous mes malheurs, que ce moment m’eſt doux !
Je pourrai donc venger… Mais quelqu’un vient à nous.
Il faut que je vous quitte ; on pourrait nous ſurprendre.
En ſecret chez Arcas, Seigneur, daignez vous rendre.
875Seul eſpoir que le ciel m’ait laiſſé dans mes maux,
Courez, en me vengeant, ſignaler un héros,
Pour peu qu’à ma douleur votre cœur s’intéreſſe.

Elle ſort.
T Y D É E.

Mais qui venait à nous ? Ah dieux ! C’eſt la princeſſe.