Accablez-en, Seigneur, un amour odieux,
Trop digne du courroux des hommes & des dieux.
Qui ? Moi, j’ai pu brûler pour le ſang de Thyeſte !
À quels forfaits, grands dieux, réſervez-vous Oreſte ?
Ah ! Seigneur, je frémis d’une ſecrète horreur ;
Je ne ſais quelle voix crie au fond de mon cœur.
Hélas ! Malgré l’amour qui cherche à le ſurprendre,
Mon père mieux que vous a ſu s’y faire entendre.
Courons, pour apaiſer ſon ombre & mes remords,
Dans le ſang d’un barbare éteindre mes tranſports.
Honteux de voir encor le jour qui nous éclaire,
Je m’abandonne à vous ; parlez, que faut-il faire ?
Arracher votre sœur a mille indignités :
Apaiſer d’un grand Roi les mânes irrités,
Les venger des fureurs d’une barbare mère :
Venir ſur ſon tombeau jurer a votre père
D’immoler ſon bourreau, d’expier aujourd’hui
Tout ce que votre bras oſa tenter pour lui :
Raſſurer votre sœur, mais lui cacher ſon frère ;
Ses craintes, ſes tranſports trahiraient ce myſtère ;
Vous offrir à ſes yeux ſous le nom de mon fils,
Sous le vôtre, Seigneur, aſſembler vos amis :
Que vous dirai-je enfin ? Contre un amour funeſte
Reprendre, avec le nom, des ſoins dignes d’Oreſte.