Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/255

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S C È N E   I.
É L E C T R E ſeule.

1115Où laiſſé-je égarer mes vœux & mes eſprits ?
Juſte ciel ! Qu’ai-je vu ? Mais, hélas ! Qu’ai-je appris ?
Oreſte ne vit plus ; tout veut que je le croie,
Le trouble de mon cœur, les pleurs où je me noie ;
Il eſt mort : cependant, ſi j’en crois à mes yeux,
1120Oreſte vit encore, Oreſte eſt en ces lieux.
Ma douleur m’entraînait au tombeau de mon père
Pleurer auprès de lui mes malheurs & mon frère :
Qu’ai-je vu ? Quel ſpectacle à mes yeux s’eſt offert ?
Son tombeau de préſents & de larmes couvert ;
1125Un fer, ſigne certain qu’une main ſe prépare
À venger ce grand roi des fureurs d’un barbare.
Quelle main s’arme encor contre ſes ennemis ?
Qui jure ainſi leur mort, ſi ce n’eſt pas ſon fils ?
Ah ! Je le reconnais à ſa noble colère ;
1130Et c’eſt du moins ainſi qu’aurait juré mon frère.
Quelque ardent qu’il paraiſſe à venger nos malheurs,
Tydéé eût-il couvert ce tombeau de ſes pleurs ?