Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/35

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Tu vois trop à quel prix il faut le ſatiſfaire.
Ne puis-je être ſon roi qu’en ceſſant d’être père ?
Mais pourquoi m’alarmer ? Les dieux pourraient parler…
Non, les dieux ſur ce point n’ont rien à révéler.
Que le ciel parle ou non ſur ce cruel myſtère,
Ne puis-je pas forcer Égéſippe à ſe taire ?

S O P H R O N Y M E.

Il ſe tairait en vain : par le ciel irrité
Son ſilence, ſeigneur, ſera-t-il imité ?
À ſe taire longtemps pourrez-vous le contraindre ?
Que je prévois de maux ! Que vous êtes à plaindre !

I D O M É N É E.

Tu me plains : mais, malgré ta ſincère amitié,
Tu n’auras pas toujours cette même pitié,
Quand tu ſauras les maux dont le deſtin m’accable,
Et que l’amour a part à mon ſort déplorable…
Je vois, à ce nom ſeul, ta vertu ſ’alarmer ;
Et la mienne a longtemps craint de t’en informer.
Tu ſais que Mérion, à mon retour d’Aſie,
De ſon ſang criminel paya ſa perfidie :
Lorſque je refuſais une victime aux dieux,
J’oſai bien m’immoler ce prince ambitieux.
Qu’il m’en coûte ! Sa fille, en ces lieux amenée,
Érixène a comblé les maux d’Idoménée.
Croirais-tu que mon cœur, nourri dans les haſards,