Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/38

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Seigneur, qu’ai-je donc fait ? Vous craignez ma préſence !
Quel traitement, après une ſi longue abſence !

I D O M É N É E.

Non, il n’eſt pas pour moi de ſpectacle plus doux,
Mon fils ; je ne ſais rien de plus aimé que vous.
Mais je ne puis vous voir que mon cœur ne frémiſſe ;
Je crains le ciel vengeur, & qu’il ne me raviſſe
Un bien…

I D A M A N T E.

Un bien…Ah ! Puiſſe-t-il, aux dépens de mes jours,
À des maux ſi cruels donner un prompt ſecours !
La mort du moins, ſeigneur, finirait mes alarmes.
Vous ne paraiſſez plus ſans m’arracher des larmes ;
Triſte, déſeſpéré, vous cherchez à mourir :
Et vous m’aimez, ſeigneur ! Eſt-ce là me chérir ?
Le ciel en vain de vous écarte ſa colère,
Vous vous faites des maux qu’il ne veut pas vous faire :
Il vous rend à mes pleurs quand je vous crois perdu ;
M’ôterez-vous, ſeigneur, le bien qu’il m’a rendu ?

I D O M É N É E.

Ah mon fils ! Nos malheurs ont laſſé ma conſtance,
Et de fléchir les dieux je perds toute eſpérance,
Trop heureux ſi le ciel, ſecondant mes ſouhaits,
Me rejoignait bientôt à mes triſtes ſujets !