Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/47

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Lorſqu’un autre que lui me faiſait ſoupirer.
À des yeux encor pleins d’un ſpectacle effroyable
Idamante parut, & parut trop aimable.
Aujourd’hui même encor l’amour a prévalu :
J’allois céder, Iſmène, ou peu s’en eſt fallu.
Quand le prince m’a fait le récit de ſa flamme,
Il entraînait mon cœur, il ſéduisait mon âme :
Déjà ce faible cœur, d’accord avec le ſien,
Lui pardonnait un feu qu’autoriſe le mien.
Des pleurs que j’ai verſés prête à lui faire grâce,
Mon amour m’alliait aux crimes de ſa race :
Près de ce prince, enfin, mon eſprit combattu,
Sans un peu de fierté, me laiſſait ſans vertu ;
Et lorſque ma raiſon a rappelé ma gloire,
Dans le fond de mon cœur j’ai pleuré ma victoire.

I S M È N E.

Votre cœur ſans regret ne peut donc triompher
D’un feu qu’en ſa naiſſance il fallait étouffer ?
Ah ! Du moins, s’il n’en peut dompter la violence,
Faites à vos tranſports ſuccéder le ſilence.

É R I X È N E.

Si je craignais qu’un feu déclaré malgré moi
Dût jamais éclater devant d’autres que toi,
Dans la nuit du tombeau toujours prête à deſcendre,
J’irais enſevelir ce ſecret ſous ma cendre.