Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/80

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Faiſons-leur du trépas un barbare lien ;
Dans leur ſang confondu mêlons encor le mien…
Vains tranſports qu’a formés ma fureur paſſagère !
Hélas ! Qui fut jamais plus amant & plus père ?
Mes peuples cependant, par moi ſeul accablés…

S O P H R O N Y M E.

Ah ſeigneur ! Leurs tourments ſont encor redoublés.
Depuis que le deſtin a fait des miſérables,
On n’éprouva jamais de maux plus redoutables :
Je frémis des horreurs où ce peuple eſt réduit.
Un gouffre ſous Ida s’eſt ouvert cette nuit :
Ce roc, qui juſqu’aux cieux ſemblait porter ſa cime,
Au lieu qu’il occupait n’a laiſſé qu’un abîme ;
Et de ce roc entier à nos yeux diſparu,
Loin d’en être comblé, ce gouffre s’eſt accru :
Nous touchons tout vivants à la rive infernale.
De ce gouffre profond un noir venin s’exhale ;
Et vos ſujets, frappés par des feux dévorants,
Tombent de toutes parts, déjà morts ou mourants.
Aux ſeuls infortunés le trépas ſe refuſe…

I D O M É N É E.

Et c’eſt de tant d’horreurs les dieux ſeuls qu’on accuſe !
Mais quoi ! Toujours les dieux ! Et qui d’eux ou de moi,
Négligeant ſa promeſſe, a donc manqué de foi ?
Malheureux ! Tes ſerments, qu’a ſuivis le parjure,