Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/89

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Pour conſerver celui que ſa rigueur demande,
C’eſt le mien aujourd’hui qu’il faut que je répande.

S O P H R O N Y M E.

Que dites-vous, ſeigneur ? Quel affreux déſespoir !

I D O M É N É E.

D’un nom plus glorieux honore mon devoir :
Quand j’aurai vu mon fils, je cours y ſatisfaire.
Je n’attends plus de vous qu’une paix ſanguinaire,
Dieux juſtes ! Cependant d’un peuple infortuné
Détournez le courroux qui m’était deſtiné ;
Ceſſez à mes ſujets de déclarer la guerre,
Et juſqu’à mon trépas ſuspendez le tonnerre :
Tout mon ſang va couler.

S O P H R O N Y M E.

Tout mon ſang va couler. D’un ſi cruel tranſport
Qu’eſpérez-vous ?

I D O M É N É E.

Qu’eſpérez-vous ? Du moins, la douceur de la mort.
Je n’obéirai point ; le ciel impitoyable
M’offre en vain en ces lieux un ſpectacle effroyable.
Les mortels peuvent-ils vous offenſer aſſez
Pour s’attirer les maux dont vous les puniſſez,
Dieux puiſſants ? Qu’ai-je vu ? Quel funeſte ravage !
J’ai cru me retrouver dans le même carnage