Je voudrais avec toi le rejoindre moi-même ;
Mais je crains les tranſports de ſa douleur extrême :
Je me ſens pénétré de ſes tendres regrets,
Et ne puis, ſans mourir, voir ces triſtes objets.
Enfin, loin des témoins dont l’aſpect m’importune,
Je puis en liberté plaindre mon infortune ;
Et mon cœur, déchiré des plus cruels tourments,
Peut donc jouir en paix de ſes derniers moments !
Ciel ! Quel eſt mon malheur ! Quelle rigueur extrême !
Quel ſort pour ennemis m’offre tout ce que j’aime !
Je trouve en même jour conjurés contre moi
Les implacables dieux, ma princeſſe, & mon roi.
Pardonnez, Dieux puiſſants, ſi je vous fais attendre ;
Je le retiendrai peu ce ſang qu’on va répandre :
Mon cœur de ſon deſtin n’eſt que trop éclairci.
Eſt-ce pour mes forfaits que vous tonnez ainſi,
Dieux cruels ?… que dis-tu, miſérable victime ?
Né d’un ſang criminel, te manque-t-il un crime ?
Qu’avaient fait plus que toi ces peuples malheureux
Que le ciel a couverts des maux les plus affreux ?