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T r a g é d i e.
C A T I L I N A.

D’un reproche odieux réprimez la licence,
Madame, ou contraignez vos ſoupçons au ſilence ;
Songez, pour violer le reſpect qui m’eſt dû,
Qu’il faut auparavant que je ſois convaincu ;
Qu’il faut l’être ſoi-même, avant que d’oſer croire
La moindre lâcheté qui peut flétrir ma gloire ;
Que l’amour eſt déchu de ſon autorité,
Dès qu’il veut de l’honneur bleſſer la dignité :
Souvenez-vous enfin qu’un généreux courage
Pardonne à qui le hait, mais point à qui l’outrage.

T U L L I E.

Et qu’ai-je à redouter de ton inimitié ?
Tu ne me verras point implorer ta pitié,
Cruel, tu peux porter à la triſte Tullie
Tous les coups que ta main réſerve à la patrie :
Borne tes cruautés à déchirer un cœur
Qui s’eſt déſhonoré par une lâche ardeur ;
Ce cœur, que trop long-temps a ſouillé ton image,
N’eſt plus digne aujourd’hui que d’opprobre & d’outrage ;
Rien ne peut expier la honte de mes feux :
Mais ne préſumes pas que ce cœur malheureux,
Que tes fauſſes vertus t’ont rendu favorable,
T’épargne un ſeul moment, dès qu’il te ſait coupable ;

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