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C a t i l i n a.
G O N T R A N.

Quoi, des Gaules ici Sunnon ambaſſadeur,
De ce rang ſi ſacré voudroit flétrir l’honneur ?

S U N N O N.

Laiſſons l’honneur d’un rang qui n’eſt plus qu’un vain titre
Lorſqu’un autre intérêt devient mon ſeul arbitre.
Les Gaules ont daigné m’envoyer en ces lieux ;
Mais où ſont les Romains, leurs loix, même leurs Dieux ?
Et quel devoir encor veux-tu que je trahiſſe,
Parmi des furieux ſans frein & ſans juſtice ?
C’eſt aux événemens à diſposer de moi ;
D’ailleurs, dans ce cahos, à qui garder ma foi ?
A de vils Sénateurs noyés dans la molleſſe ?
À deux Conſuls jaloux & déſunis ſans ceſſe ?
L’un des deux, ſans honneur & ſans fidélité,
Abuſe chaque jour de ſon autorité ;
L’autre a mille vertus, mais n’oſe en faire uſage :
Caton, loin de calmer, irritera l’orage.
Formidable au-dehors, mépriſable au-dedans,
Le Sénat n’eſt enfin qu’un amas de brigans,
Unis pour le butin, diviſés au partage,
Dont toute la vertu périt avec Carthage :
A peine il fut formé qu’il détruiſit ſes rois,
Il détruit aujourd’hui l’autorité des loix.
Après avoir détruit, & loix, & diadème,