Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/234

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Qu’un intérêt ſacré doit rendre légitime ;
Mais je le blâmerais, Sunnon, ſi ma vertu
Ne vous inſpirait pas un reſpect qui m’eſt dû.
Je ne ſuis point ſurpris qu’un miniſtre ſoupçonne
De trop d’ambition un projet qui l’étonne,
Et que, loin de vouloir ſoulager l’univers,
Je prétende au contraire appeſantir ſes fers.
Revenez cependant d’une erreur qui m’offenſe,
Et qui peut vous ſéduire à force de prudence.
Je ſuis chef, il eſt vrai, d’un parti dangereux :
Mais vous ne devez pas me confondre avec eux :
Souvent pour s’aſſurer de leur obéiſſance
Il faut laiſſer régner le crime et la licence ;
Le choix des conjurés eſt un choix haſardeux
Qui ne veut pas toujours des hommes généreux.
Le projet le plus grand, l’action la plus belle
A quelquefois beſoin d’une main criminelle.
Si vous me regardez comme un ambitieux
Que la ſoif de régner a rendu furieux,
Et qui ne veut uſer du flambeau de la guerre
Que pour ſubjuguer Rome, et déſoler la terre,
Vous vous trompez, Sunnon. Conſidérez l’état
Du ſénat et des lois, du peuple et du ſoldat ;
Trouvez enfin dans Rome un ſeul trait qui réponde
À ſon titre pompeux de maîtreſſe du monde ;
Les pirates divers que Pompée a défaits,