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Page:Œuvres de Monsieur de Fontenelle, Tome IX, 1766.djvu/399

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ce sera bien pis quand ils passeront de bouche en bouche. Chacun en ôtera quelque petit trait de vrai, et y en mettra quelqu’un de faux, et principalement du faux merveilleux, qui est le plus agréable; et peut-être qu’après un siècle ou deux, il n’y restera rien du vrai qui y étoit d’abord, et même peu du premier faux.

À ces récits fabuleux, qui ne contenoient que des faits, se sont joints des systêmes de philosophie aussi fabuleux; car il y a eu de la philosophie même dans ces siècles grossiers. Les hommes sont toujours curieux, toujours portés naturellement à rechercher la cause de ce qu’ils voient; j’entends les hommes qui ont un peu plus de génie que les autres. D’où peut venir cette rivière qui coule toujours, a dû dire un contemplatif de ces siècles-là, qui étoit assurément une étrange espèce de contemplatif ? Après une longue méditation, il a trouvé fort heureusement qu’il y avoit quelqu’un qui avoit soin de verser toujours cette eau de dedans une cruche. Mais qui lui fournissoit toujours cette eau ? Le contemplatif n’alloit pas si loin.